andrieu 1894 extraits
Accueil ] Remonter ]

 

ANDRIEU (Pierre). 
- Le vin et les vins de fruits,
Paris, Gauthier-Villars, 1894 ; 
in-8, de X-378p. et 37p. d'annonces illustré de 78 figures explicatives dans le texte. 

Analyse du moût et du vin, vinification, sucrage, maladies du vin, étude sur les levures de vin cultivés, distillation. Techniques d'analyse, dosages, vendanges et vinification, vinifications spéciales, sucrage. Vins de groseille, framboises, fraises, cassis, mûres, sureau, cerises, prunes, abricots.

extraits : pages 205 à 248

QUATRIÈME PARTIE.

VINS ET BOISSONS ALCOOLIQUES DE FRUITS.

CHAPITRE XII.

GÉNÉRALITÉS SUR LA PRÉPARATION DES VINS DE FRUITS.

Le raisin est certainement un des fruits dont la richesse en sucre permet d'obtenir, par la fermentation, les boissons les plus alcooliques. Le vin renferme non seulement une forte proportion d'alcool, mais des matières extractives, telles que des acides, des tannins et divers sels, qui jointes à des substances éthérées et parfumées et au goût du fruit, en font .une boisson des plus agréables, des plus toniques et des plus digestives et en rendent la conservation possible pendant un temps fort long.
D'autres vins cependant peuvent être obtenus avec les divers fruits que la culture produit avec le plus d'abondance. Dans les années favorables, et plus particulièrement dans les pays impropres à la culture de la vigne, ces fruits peuvent être utilisés à la production de boissons presque aussi réconfortantes que le vin, et rendre les plus grands services aux ménages et à la fraction la moins aisée de la population, qui a d'autant plus besoin d'une boisson tonique et nutritive qu'elle se livre à des travaux plus pénibles.
Certains fruits possédant un parfum prononcé peuvent donner des vins de dessert qui acquièrent avec le temps une grande délicatesse.
En dehors du cidre et du poiré, dont nous donnerons les meilleurs procédés de fabrication, nous allons décrire une méthode générale qui permette d'obtenir, avec tous les fruits, des boissons alcooliques à la fois toniques et digestives, possédant le goût propre au fruit employé et susceptibles d'une bonne conservation.
C'est en Angleterre que la fabrication des vins de fruits s'est le plus développée, mais généralement ces fruits sont mis en fermentation en les additionnant d'une forte proportion de sucre qui laisse le vin doux, et on leur ajoute le plus souvent, avant l'achèvement de la fermentation, une certaine quantité d'alcool pour les rendre plus tôt limpides et éviter les fermentations secondaires. Ces vins se rapprochent donc des vins de liqueurs et des ratafias; ils sont de plus d'un prix de revient assez élevé.
Notre but principal est d'obtenir avec les fruits des vins secs, d'un prix de revient modéré et qui se rapprochent le plus, par leurs qualités, du vin de raisin fabriqué dans les conditions ordinaires.

Nous donnerons en même temps les formules pour la préparation des vins de fruits de liqueur.

Acidité des fruits. - Les fruits ont généralement une acidité plus prononcée que celle du raisin, tandis que le raisin mûr renferme en moyenne 4gr à 5gr d'acidité totale par kilogramme,

L'abricot en renferme, en moyenne,  de 14 gr à 18 gr
La groseille  15
La framboise  14
La prune  12
La pêche en renferme, en moyenne  8gr
La cerise  6,6
Le bigarreau  6,3
La fraise  5,5
L'orange  5
La poire  4,7
La pomme  1,3
La figue  0,1

L'acide malique existe surtout dans les pommes, les poires, les baies de sureau, les groseilles, les cerises, les fraises, les framboises.

L'acide citrique, dans les citrons, les oranges, les groseilles, les framboises, les fraises, les sorbes.

L'acide tartrique dans les raisins, les mûres, les ananas. Nous voyons ainsi que plusieurs fruits ont une acidité plus prononcée que celle du raisin, et que la nature de leur acidité n'est pas non plus la même. Les vins ont toujours une acidité en rapport avec celle du fruit mis en fermentation, certains vins de fruits sont donc plus acides que le vin de raisin.

Cet excès d'acidité rend, le plus souvent, les vins de fruits peu agréables à boire. On le diminue en choisissant le fruit aussi mûr que possible, et on le corrige en ajoutant, pour chaque litre de fruit écrasé, une quantité variable d'eau.

On l'écrase d'abord; s'il est pâteux, on ne lui ajoute que 1a quantité d'eau nécessaire pour donner de la fluidité à la pâte. On goûte ensuite le jus. S'il est d'une acidité excessive, on devra le diluer dans un poids double d'eau. Si son acidité se fait à peine sentir, ou ne se fait pas sentir, on ne lui ajoutera pas d'eau, et, si cette acidité est intermédiaire entre les deux précédentes, la quantité d'eau à ajouter se trouvera comprise dans les deux limites précédentes.

Un procédé plus exact consiste à doser cette acidité comme nous l'avons indiqué, pour le raisin, dans le Chapitre II. Si elle dépasse 6gr, 8gr au plus, par litre de moût, on l'amènera à cette dose en diluant le jus avec de l'eau.

Sucrage des moûts de fruits. - Les fruits bien mûrs Sont généralement moins sucrés que le raisin. Ils ne donnent, le plus souvent, après leur fermentation, qu'un vin titrant de 5 à 6 pour 100 d'alcool. Pour les fruits à maturité incomplète, et pour certains fruits arrivés à leur maturité, mais que leur acidité oblige à être additionnés d'eau, le titre alcoolique peut s'abaisser de 1 à 3 pour 100. Or, les vins que nous voulons confectionner doivent, avoir une richesse alcoolique de 6 à 11 pour 100 d'alcool environ, atteignant par exception jusqu'à 16 pour 100, afin de les rendre plus toniques, plus solides et de mieux assurer leur conservation. Pour obtenir cette force alcoolique, nous aurons à sucrer le jus, en nous basant sur la proportion de 17gr de sucre à ajouter par litre de jus, et, pour chaque, 1 pour 100 d'alcool à obtenir en supplément. Ainsi, lorsque nous supposerons que le vin à préparer ne donnera que 5 pour 100 d'alcool, ou 5°, nous devrons augmenter sa force alcoolique de 4° pour atteindre 9°. La quantité de sucre à ajouter, dans ce cas, sera de 4 fois 17gr ou 64 gr par litre.
Le sucre sera dissous avant d'être versé dans la cuve. Pour les vins devant titrer plus de 12 pour 100 d'alcool, et dont le jus du fruit devra être fortement sucré, il est essentiel, pour que la fermentation s'achève bien, de ne verser le sucre dissous que successivement à mesure que la fermentation s'avancera. On mettra d'abord le tiers du sucre, le second tiers le sixième jour, et le restant le douzième jour.

Interversion du sucre. - Le sucre cristallisé destiné au sucrage du moût du fruit sera interverti. On pourra cependant se dispenser de cette opération dans le cas où l'on ensemencera le fruit écrasé d'une levure de vin cultivée ou sélectionnée, comme nous l'indiquons ci·dessous. (Voir: Interversion du sucre, dans le Chapitre X.) Pour intervertir le sucre, on mettra, dans une bassine en cuivre, le sucre à dissoudre dans un poids triple de jus du fruit, sans eau ,s'il est aqueux, et sans y ajouter aucun acide si l'acidité naturelle du mélange dépasse 6gr à 8gr par litre, puis on le soumettra à l'ébullition pendant trois quarts d' heure, en évitant avec soin qu'il ne se caramélise. Ce sirop sera ensuite mélangé avec le moût à mettre en fermentation.

Du ferment alcoolique. - Tous les fruits renferment, à la surface extérieure de leur pellicule, des germes de ferments alcooliques ou de levures, qui, mis en contact avec le jus, s'y développent, s'y multiplient et transforment le Sucre en alcool. Mais, ainsi que nous l'avons indiqué dans le Chapitre V, et que nous le montrerons dans le Chapitre XIV à propos des ferments alcooliques du vin, tous ces ferments ne sont pas propres à la transformation complète du sucre en alcool. Ceux des fruits autres que le raisin sont encore moins propices à l'alcoolisation complète des jus sucrés.
Il convient donc, pour ce motif, d'ensemencer les jus de fruits à mettre en fermentation d'une levure de vin cultivée, de vin blanc de préférence. Les levures de choix donnent, de plus, aux vins obtenus, une vinosité particulière que ne donnent pas les levures qui ne proviennent pas du raisin. La dose en est de 1lit pour 10hl de moût. On trouve ces levures de vin cultivées dans le commerce; mais, à défaut de celles-ci, on préparera, une semaine à l'avance, un levain avec du raisin sec, qui sera toujours bien préférable aux ferments naturels des fruits. On peut également préparer ce levain avec des raisins frais en bon état et de maturité parfaite, en évitant d'employer ceux qui ont mûri dans des serres, parce qu'ils ne renferment pas de ferments. La quantité de raisins frais à faire fermenter sera quatre fois plus forte que celle de raisins secs, et leur fermentation se fera sans eau.

Levain de raisins. - Voici comment s'obtient le levain de raisins secs. On fera choix de raisins secs de Corinthe, d'une odeur saine et exempts de moisissures. La quantité à em­ployer sera de 1kg pour 100lit de vin de fruit à obtenir.
On introduit le raisin dans un récipient de capacité suffisante, bouteille à large goulot, dame-jeanne ou petit fût, de façon que, lorsqu'on aura ajouté l'eau, il ne soit plein qu'aux 4/5 au plus. On versera ensuite dans ce récipient une quantité d'eau égale à 4 fois le poids du raisin, en élevant celle-ci au préalable à 40° de température, c'est-à-dire à la chaleur que la main peut facilement supporter. Ainsi, pour 100lit de vin de fruit à préparer, on versera dans ce récipient 1kg, de, raisins secs et 4lit d'eau. Il est essentiel, pour conserver au liquide sa chaleur, d'envelopper le récipient de laine ou de paille, et de le placer dans un local chaud. On peut encore, par exemple, meure le récipient dans une caisse avec un ou plusieurs cruchons de grès remplis d'eau bouillante, afin d'éviter l'abaissement de température. On agitera de temps à autre le liquide, et il ne serait pas inutile d'y plonger alors un thermomètre pour s'assurer que la température s'y maintient entre 25°et 35°. La fermentation s'y déclarera avant la fin du deuxième jour, et on la laissera se continuer pendant cinq jours encore, de façon que cette opération dure au plus une semaine. La fermentation est alors presque achevée, on agite vivement le récipient pour en détacher la levure qui s'est déposée au fond et on le vide dans la masse du fruit écrasé qui va être soumise à son tour à la fermentation.

Les levures du raisin sec, ainsi que celles du raisin frais, sont en partie composées de levure elliptique, ou ellipsoïdale, qui est la plus apte à 1'alcoolisation du sucre. A ce sujet, nous reproduisons une Note très intéressante de M. Alphonse Rommier sur les vins et eaux-de-vie de framboises et de fraises, où l'action utile de la levure elliptique est bien déterminée (Compte, rendu, de l'Académie des Sciences, 1886, page 1266.)

« « Depuis longtemps on retire des eaux-de-vie des vins obtenus par la fermentation de presque tous les fruits. Elles sont désignées dans le Manuel Roret sous le nom de marasquin,. II est reconnu que la fabrication en est souvent défectueuse, certains fruits ne fermentant que lentement et, par .suite, d'une façon incomplète. C'est ainsi que la framboise, suivant l'observation de M. Le Bel, possède sur sa pellicule un ferment particulier auquel ce savant a donné le nom de levure Wurtzii. et qui n'est pas apte à transformer en alcool la totalité du sucre. Le vin qui en résulte ne renferme, en effet. que de 2 à 2,5 pour 100 d'alcool, au lieu de 5 pour 100 qu'il devrait donner par une fermentation régulière. Il était intéressant de rechercher si le manque d'activité de la levure de la framboise provenait de son peu d'énergie naturelle ou si son action était paralysée par les principes essentiels contenus dans le fruit. Mais, au lieu de cultiver cette levure dans du jus de raisin, comme l'a fait M. Le Bel, afin de vérifier comme elle s'y comportait, on a simplement ajouté à la framboise écrasée une levure d'une grande énergie qui jouit de la propriété de communiquer aux liquides fermentés une odeur vineuse, la levure de vin ellipsoïdale: et alors il est arrivé ce fait, que la fermentation, au lieu de se présenter d'une façon languissante et de s'arrêter après la production d'une faible quantité d'alcool, a transformé non seulement tout le sucre contenu dans le fruit, mais encore deux à trois fois autant qu'il en renferme ordinairement.

Entre autres expériences, le l0 juillet 1883, on a mis à fermenter dans un grand flacon muni d'un tube abducteur plongeant dans l'eau:
16kg de framboises qu'on a privées de leurs pédoncules,
200cc d'un jus de raisin contenant de la levure ellipsoïdale bien active,
2kg de sucre ajoutés successivement.

Cette fermentation qui a été bientôt très vive, a duré dix-huit jours, par une température presque constamment voisine de 30°. Le jus alcoolique qui en a été tiré, passé rapidement au travers d'une chausse et mis à déposer dans un grand flacon, s'est éclairci en l'espace de quelques jours. Il était alors entièrement fermenté et ne contenait plus une trace de sucre reconnaissable au saccharimètre. Il dosait 18 pour 100 d'alcool. Mis en bouteilles, il a donné un dépôt abondant, adhérent au verre et s'est conservé depuis plus de trois années avec son parfum framboisé qui a acquis avec le temps une grande finesse. Mais ce vin a le défaut d'être acide: la framboise contient, en effet, une quantité importante d'acide citrique qui n'est pas éliminé par la fermentation à l'état de sel acide comme l'acide tartrique du raisin, et dont la majeure partie reste alors dans le vin.

Vins et eaux-de-vie de fraise. - Les belles et grosses fraises qu'on cultive aux environs de Paris, et qui sont des hybrides des variétés américaines, possèdent une levure plus complète que celle de la framboise et qui est capable de transformer tout leur sucre en alcool. Mais, pour obtenir une fermentation bien active avec ces fruits, surtout si les additionne de sucre, il est utile de leur ajouter aussi de la levure ellipsoïdale. Le vin de fraise, moins acide que celui de la framboise, plus agréable à boire et se conserve bien lorsqu'on le fabrique de manière qu'il atteigne environ 16 pour 100 d'alcool. L'eau-de-vie qui provient par distillation en possède le parfum: il s'exalte avec le temps mais sans se modifier sensiblement. Celle qui est fabriquée avec fraise anglaise, quoique faite avec le double de sucre contenu dan le fruit, est encore tellement aromatisée qu'elle est à peine buvable. cependant, quand on en met une petite quantité dans un verre d'eau, ( mieux dans une tasse de thé, son parfum de fraise ananas se développe dans toute sa pureté; ce qui indique qu'on aurait pu lui faire subir une dilution alcoolique plus grande en faisant fermenter le fruit avec une quantité de sucre plus considérable.

Il a été reconnu dans ces derniers temps que la levure Wurtzii, ainsi que d'autres, comme la levure apiculatus, qui l'accompagne assez fréquemment, ne jouissent pas de propriétés inversives. Il en résulte que ces levures incomplètes n'ont d'action que sur le sucre interverti, et ne peuvent pas transformer le sucre de canne qui existe aussi simultanément dans beaucoup de fruits acides, tels que les pommes, les poire les cerises, les prunes, les pêches, les abricots dont les jus restent, longtemps sucrés; mais en ajoutant de la levure ellipsoïdale à ces fruits écrasés, comme je l'ai fait pour la framboise et pour la fraise, on obtient facilement des rendements alcooliques plus élevés par la transformation de la totalité de leurs principes sucrés et des produits de meilleur qualité par la régularisation de leur fermentation. » »

Fermentation. - Généralement, les vins de fruits ne peu vent donner lieu à une fabrication aussi considérable que celle du vin de raisin. On les met à fermenter le plus souvent dan de grands flacons ou dans des fûts dont la capacité dépassera rarement 6hl à 7hl. Ces fûts sont mis debout, à 30cm au-dessus d niveau du sol, pour pouvoir facilement les vider par le robinet placé au bas. Le fond supérieur en sera enlevé et servira ensuit de couvercle. Afin d'empêcher l'engorgement du robinet, on fixera devant son ouverture, dans l'intérieur du fût, un paillis des copeaux de chêne ou une petite grille. Pour les jus fermentant sans marcs, le fût ne sera pas défoncé; il sera placé su chantier et le jus sera introduit par la bonde supérieure. Quel que soient les récipients servant de cuves, ils devront être rigoureusement propres et ne devront dégager aucune mauvaise odeur. Il en est de même de toute la vaisselle vinaire employée.

Lorsqu'on versera dans la cuve ou le tonneau le fruit écrasé, le levain et le sucre, on devra laisser un vide d'un cinquième environ, à cause du gonflement produit par la fermentation. On prendra les précautions nécessaires pour que la température du liquide soit, au début, d'environ 23° à 25°. La chaleur qui sera développée par la fermentation élèvera cette température à 30°-35° environ, mais il faut que le local où sera placée la cuve ne soit pas froid au point de faire baisser cette température. Au besoin, on le chauffera. Il ne faut jamais perdre de vue que la température joue un rôle important dans le bon achèvement de la fermentation, surtout lorsque le moût a été sucré. Dans ce local, une grande propreté, l'absence de poussières, de matières animales ou végétales et de vins aigris sont indispensables pour que de mauvais ferments ne viennent pas altérer le liquide en préparation.

Lorsque le jus du fruit fermentera avec le marc, il est à craindre que le chapeau qui, pendant la fermentation, viendra surnager à la surface ne s'aigrisse au contact de l'air. On immergera celui-ci d'une façon permanente dans la masse du liquide au moyen d'une claie circulaire faite d'osier ou de petites lattes de châtaignier ou de chêne, ou au moyen. d'un disque en bois percé de trous nombreux, que l'on fixera horizontalement dans Je fût, une fois plein, au moyen de montants en bois. Cette précaution ne s'applique qu'aux fûts dont un des fonds est enlevé.

Pour bien régulariser la fermentation, dès que celle-ci sera devenue active, on soutirera par le bas une partie du liquide que l'on remettra dans Je fût par le haut. On répétera cette opération une ou deux fois, ou davantage si le liquide est très sucré; la dernière se fera lorsque la fermentation sera presque achevée.

La fermentation des vins de fruits obéissant aux mêmes règles que celle du vin de raisin, on pourra d'ailleurs se reporter d'une façon générale à ce que nous avons dit de celle-ci et du décuvage dans les Chapitres V et VI.

Le foulage, écrasement ou broyage des fruits s'obtiendra au moyen des pieds ou des mains, ou des fouloirs à raisin s'ils sont de consistance molle.

Fig. 50

Pressoir à maie ronde en fonte, de E. Gaillot, à Beaune.

Sinon, on emploiera des concasseurs, ou moulins à pommes, comme ceux que nous décrirons en parIant de la fabrication du cidre.

Le pressurage des marcs, lorsqu'il s'agira de quantités un peu considérables, s'obtiendra avec les pressoirs que nous avons décrits pour le vin, dans le Chapitre VI, ou avec ceux que nous indiquerons plus loin pour le cidre. Si la matière est pâteuse, on l'établira par couches de 8cm à 12cm d'épaisseur, séparées par des toiles de chanvre ou de crin, des claies en osier, ou simplement de la paille, afin de permettre au liquide de se dégager.

Lorsqu'on traite de faibles quantités de fruits, on pourra employer des pressoirs plus petits. La fig. 50 en présente un modèle.

A défaut de pressoir, on enroulera le marc ou les fruits écrasés dans de la toile grossière et à tissu lâche, que l'on tordra énergiquement pour pouvoir exprimer le jus.

L'ouillage des fûts et les soutirages pour débarrasser les boissons obtenues de leurs lies se feront comme pour le vin.

Le filtrage n'offre non plus aucune particularité, si ce n'est que, pour de petites quantités de liquides ou de lies à filtrer, on emploiera des filtres coniques en tissu de coton, que l'on trouve chez les fabricants de filtres pour le vin, et dont. la ca­pacité varie de 1lit à 100lit.

Les collages se feront comme pour les vins blancs, c'est­à-dire avec de la colle de poisson et aux doses que nous avons indiquées pour ces sortes devins. Une addition de 10gr à 20gr de tannin par hectolitre de vin à traiter sera souvent utile.

Le cidre et le poiré, préparés avec ou sans addition d'eau, le petit cidre, le petit poiré, les cidres et poirés de ménage, les boissons de fruits sauvages et de fruits secs, et en général toutes les boissons de fruits à faible titre alcoolique, s'aigrissent facilement, surtout pendant les chaleurs de l'été, lorsque, pour la consommation journalière, on laisse le fût en vidange. Pour éviter l'acétification, on fera bien, dès la mise en perce du fût, de placer sur celui-ci le fausset hygiénique Marc décrit à la page 149, ou d'y verser une petite quantité d'huile d'olive de bonne qualité. L'huile forme une couche à la surface du li­quide et s'oppose à l'action nuisible de l'air.

Ajoutons enfin que, lorsqu'on cueille les fruits pour les faire fermenter immédiatement, il est avantageux de les laisser exposer au soleil pendant quelques heures. On doit, de plus, brosser ceux qui sont recouverts de duvet.

 

CHAP. XIII. - DES PRINCIPAUX VINS DE FRUIT8.

En dehors du raisin, les fruits dont nous parlerons pour la confection de vins sont d'abord les fruits à baies: les groseilles, les framboises, les fraises, les cassis, les mûres et les baies de sureau.
Puis viendront les fruits à noyau: les cerises, les merises, les prunes, les abricots et les pêches; les fruits à pépins: les oranges, les coings, les pommes et les poires .
Nous citerons encore des fruits sauvages comme certaines poires, les fruits de la ronce, les prunelles et les' sorbes qui Sont surtout propres à préparer des boissons à bon marché.
Nous terminerons enfin par les fruits secs pour en obtenir des boissons de ménage, par l'hydromel et par les vins de fruits de liqueur.

Vin de groseilles à maquereau.

Les groseilles à maquereau, même bien mûres, possèdent une acidité prononcée qui est due presque entièrement aux acides malique et citrique, et qu'il est impossible d'affaiblir dans leur jus, si ce n'est en diluant celui-ci dans une certaine quantité d'eau .
On peut préparer ce vin de deux .façons différentes. Si l'on lui assurer une longue conservation, et l'améliorer par la disparition partielle de ses acides qui s'éthériseront avec le temps par leur contact avec l'alcool, on lui donnera un titre alcoolique élevé, 16° environ. Si on le destine à une consommation plus immédiate, on le préparera à un titre alcoolique faible, à 9° ou 10°.
Le vin à 16 pour 100 d'alcool sera mis en fermentation dans les proportions de l0 kg de fruit, 7 lit d'eau et 4kg,300 de sucre; .celui à 10 pour 100 d'alcool, dans les proportions de l0 kg de fruit, 10 lit d'eau et 2kg,7 de sucre .

Les groseilles sont mondées et débarrassées de leurs queues.

Elles sont· écrasées dans un cuvier ou dans un moulin. On ajoute à la masse écrasée les deux tiers ou la moitié de l'eau à employer, qui sera légèrement tiède. On délaie bien le tout. On filtre dix à douze heures après, à travers un panier garni de paille ou un sac de canevas grossier. Le liquide obtenu est versé dans la cuve, ainsi que le jus qui coule du marc légèrement exprimé. Le marc est ensuite délayé dans le restant de l’eau tiède. Quelques heures après, on filtre ce second liquide et l'on exprime le marc. On joint ce nouveau jus au précédent.
On verse alors dans la cuve le sucre à l'état de sirop, après l’avoir interverti. Si c'est du vin à 16 pour 100 d'alcool que l'on prépare, on ne versera d'abord que le tiers du sirop. Le second tiers sera versé six jours après la mise en fermentation, et le troisième tiers, six jours après ce dernier. On a le soin d’agiter avec un bâton le fond de la cuve et la masse du liquide en même temps, pour que le sirop soit bien délayé.
La fermentation se fera dans un récipient à étroite ouverture, puisque ici nous n’avons pas de marc.
On s'assure de la température du liquide, et, dans le cas où elle n'atteindrait pas 25° environ, on chauffera une partie du jus, que l'on mélangera ensuite dans la cuve. Le maximum de température, au début, doit être entre 25°et 30°.
On verse alors la levure, que J'on mélange bien à la masse.
Nous avons dit précédemment que, si cette levure est représentée par un levain de raisins, celui-ci doit être préparé une semaine à l'avance.
La fermentation ne tardera pas à s'établir un à deux jours après. On observera à son égard les règles que nous avons énumérées ci-dessus. Pour le bon achèvement du vin, on se reportera à celles que nous avons indiquées pour le vin ordinaire dans les Chapitres V, VI et VII.
Le vin de groseilles à maquereau manque de bouquet, aussi lui ajoute-t-on quelquefois de l'iris en poudre. Pour que le parfum ainsi obtenu ne soit pas trop sensible, il convient de n'ajouter l'iris que par petites quantités successives jusqu'à 1a limite désirable, en commençant par l00 gr pour 1 hl, mais en ne dépassant pas 200 gr. Il est préférable, cependant, pour le parfumer, de remplacer un cinquième du fruit par des framboises, qui ajouteront au bouquet une couleur agréable et donneront au vin des qualités bien plus remarquables.

Vin de groseilles à grappes.

Les groseilles sont égrappées, écrasées et traitées de la même façon que les groseilles à maquereau. Le vin se prépare aussi par les mêmes procédés. (Voir de plus: Généralités sur les vins de fruits.)

Vin de framboises.

Nous avons décrit à la page 210, d'après M. Rommier, un procédé pour obtenir un vin de framboises à 18 pour 100 d'alcool. La framboise, étant toujours très acide, communique au vin une acidité trop prononcée. Il convient donc d'ajouter de l'eau à la framboise. Pour I0 kg, de framboises nettoyées et écrasées, on ajoutera 7 lit d'eau. On mettra ce mélange en fermentation, en y ajoutant de la levure de vin et 4 kg, 100 de sucre à verser successivement. (Voir: Généralités sur les vins de fruits.) La température étant bien réglée, la fermentation durera une vingtaine de jours. On soutirera alors la partie limpide, on filtrera le restant au travers d'une chausse et l’on exprimera le marc. Le vin ainsi obtenu sera laissé en repos, à l'abri de l'air, dans un fût plein ou dans des flacons. On le soutirera de nouveau, et on le mettra alors en bouteilles.

Vin de fraises.

Les fraises, comme les framboises, ne peuvent donner que des vins de luxe, à cause de leur prix généralement élevé; mais ce sont des vins de dessert exquis, lorsque surtout on les conserve pendant deux ou trois ans.
La fraise étant moins acide que la framboise, on en prépare le vin sans addition d'eau.
Le fruit est choisi bien mûr, et est mis en fermentation après l'avoir émondé, écrasé et additionné de levure de vin.
Pour 10 kg de fruit, on ajoute successivement, pendant la fermentation, l kg, 6 de sucre .. Celle-ci étant achevée, le vin renfermera environ 16 à 18 pour 100 d'alcool. Les soins à donner au vin sont les mêmes que pour le vin de framboises. ( Voir de plus: Généralités sur les vins de fruits.)

Vin de cassis.

Les cassis, commençant à arriver à leur maturité, sont égrainés et écrasés dans un cuvier en bois où on les abandonne pendant vingt-quatre heures. On exprime le jus au tra­vers d'une toile grossière ou d'un tamis. Le marc est alors arrosé de la quantité d'eau nécessaire pour l'immerger, puis abandonné dans le cuvier pendant douze heures et exprimé de nouveau Le premier et le second jus sont réunis et additionnés de levure de vin et de sucre.
Pour 10lit de jus, on ajoute successivement, pendant la fermentation, 2kg à 3kg de sucre, selon l'état de maturité du fruit. La fermentation s'opère dans un tonneau presque plein, et, dès que le mouvement tumultueux s'est apaisé, on place sur la bonde un tampon qui ne se soulève que sous la pression du gaz carbonique. Au soutirage, on ajoute par hectolitre de vin 60gr à 80gr de sel marin préalablement dissous dans' 1ilt de vin. (Voir: Généralités sur les vins de fruits. )

Vin de mûres et de mûres sauvages.

La préparation de ce vin est la même que celle du vin de cassis. La quantité de sucre est de 2kg pour 10lit de jus, à ajouter successivement pendant la fermentation.
Lorsque le vin est confectionné avec les mûres noires comestibles ou avec les fruits de la ronce ou mûres sauvages, sa coloration est très intense et il peut servir à colorer d'autres vins de fruits.

Vin de baies de sureau.

Ce vin est remarquable par l'intensité de sa couleur d'un beau rouge vineux, aussi sert-il quelquefois frauduleusement de colorant pour les vins communs. Il peut cependant être employé à donner une belle couleur aux vins de fruits.
pour l0 kg de ce fruit, que l'on a d'abord écrasé, on prépare 5"t d'eau chaude dans laquelle on fait dissoudre 30 gr de bitartrate de potasse et 12 gr d'acide tartrique. On laisse refroidir cette eau à la température de 30°, puis on la verse dans la cuve avec le fruit et la levure de vin. La masse étant en fermentation, on l'additionne successivement de 3kg de sucre. (Voir: Généralités sur les vins de fruits.)

Vins de raisins manquant de maturité

Lorsque les raisins sont incomplètement mûrs, ils renferment peu de sucre et ne peuvent donner qu'un vin faible en. alcool; mais leur acidité est telle que le vin est aussi dangereux et désagréable à boire que l'était le fruit à être consommé. On peut, cependant, obtenir avec ces raisins, qui n'ont qu'un commencement de maturité, un vin de qualité très satisfaisante et de bonne conservation.
Après les avoir écrasés et débarrassés des rafles, on leur ajoute, pour 1 kg de raisin, 1 lit d'eau tiède et 300 gr de sucre interverti. Ce sucre peut être dénaturé sous les yeux des employés de la Régie, comme nous l'avons indiqué dans le Chapitre X, afin de bénéficier de la réduction des droits. Dans ce cas, il faut pouvoir employer look, de sucre au minimum, et ce sucre peut à la fois viser le sucrage de la vendange et le sucrage des marcs.
La température de la masse étant à 25°-30°, on la met en fermentation en y ajoutant de la levure de vin.
On se reportera, pour les soins à donner à la fermentation et au vin après le décuvage, aux explications que nous avons développées dans le Chapitre III et les suivants.
Ce vin ne peut être désigné commercialement que sous le nom de vin de sucre.

Piquettes de marcs.

Dans le Chapitre XI, nous avons montré que le meilleur profit à tirer des marcs de raisin était d'en faire des vins de sucre ou de seconde cuvée. Des viticulteurs les traitent ce­pendant pour en obtenir de la piquette.
La piquette est un petit vin obtenu par le lavage des marcs de raisins ou des marcs de tout autre fruit.
Après le pressurage, on remet le marc dans la cuve en ayant le soin de bien l'émietter. Avec le marc de raisin, on ajoute une quantité d'eau un peu tiède qui peut varier entre le tiers et le quart du vin soutiré. La température de la cuve doit être entre 25° et 30°. On Coule le marc de temps en temps au moyen de bâtons et, au bout d'un ou deux jours, on soutire la piquette à laquelle on joint ensuite le jus obtenu par la pression du marc.
Il existe un procédé méthodique de lavage des marcs pour en obtenir de la piquette destinée à la consommation ou à la distillerie, qui permet un épuisement plus complet des principes vineux qu'ils renferment encore.
On réunit, à côté les unes des autres, des cuves en maçonnerie ou en bois qui sont munies d'un double fond percé de petits trous. La partie supérieure de chaque cuve correspond au moyen d'un tube avec le fond de la cuve suivante.
Si l'on suppose toutes ces cuves pleines de marc pressé, et que dans la cuve A³ (fig. 51) on introduise de l'eau par le tube qui débouche dans le fond, cette eau s'y élèvera de pas en haut, et, lorsque la cuve sera pleine, la partie supérieure du liquide sera la plus riche en alcool et en principes extractifs du marc.
Après deux à trois heures de macération, on fait passer par le tube une nouvelle quantité d'eau dans le fond de la cuve A³. Comme celle-ci est déjà pleine, elle déversera son trop plein dans la cuve A² par le tuyau b³ qui les met en communication. Le liquide s'élèvera alors dans A² qui finira par se remplir.
Deux à trois heures après, on recommence à verser de l'eau dans A³. Le liquide remplira cette fois A'. On continue ainsi jusqu'à ce que la dernière cuve soit pleine.
Lorsque le liquide sort de la dernière cuve, il s'est enrichi de plus en plus en traversant successivement toutes les cuves. Il représente une piquette dont Ies qualités se rapprochent d'autant plus de celles d'un vin complet que le marc provient de vendanges mieux réussies. On recueille cette piquette.
En ce moment, le marc de la cuve A³, qui a reçu de l'eau constamment renouvelée, se trouve épuisé. On retire ce marc, on le remplace par du marc frais, et l'on fait communiquer ail moyen d'un tuyau la partie supérieure de la dernière cuve avec le fond de la cuve A³.

Fig. 51

Cuves pour l’épuisement des marcs

Dans le circuit, c'est la cuve A³ qui remplace maintenant la cuve A³. En ouvrant, vers le bas de la cuve A², le robinet qui fournit l'eau, le liquide circule dans toutes les cuves, et vient remplir enfin A³, et lorsque cette cuve déverse, on en recueille la piquette.
On enlève alors le marc de A² qui est épuisé, on le rem place par du frais, et, cette fois, c'est par AI que l'eau est introduite. On continue ainsi l'opération de cuve en cuve jusqu'à ce que tout le marc dont on dispose soit traité.

Vin de cerises. Vin de merises.

Si l'on désire obtenir un vin de cerises titrant seulement 8 à 10 pour 100 d'alcool, et qui pourra être consommé dès qu'il se sera éclairci après sa fermentation, on le préparera ainsi:
On foule dans un cuvier le fruit bien mûr, et l'on met la masse à fermenter dans un tonneau, c'est-à-dire le jus, Je marc, les queues et les noyaux non brisés en ajoutant 50 gr de sucre, plus 2gr de bitartrate de potasse par kilogramme de ce­rises, et de la levure de vin.
Pour obtenir un vin de cerises riche en alcool, 16 à 17 pour 100, se conservant longtemps et s'améliorant en vieillissant, on procédera ainsi:
Choisir les cerises dès qu'elles commencent à être mûres et les écraser de façon à détacher là pulpe sans briser les noyaux. On abandonne la. masse dans un cuvier pendant vingt-quatre heures. On presse ensuite la pulpe sur un tamis à grosse toile métallique dont les mailles ne laissent pas passer les noyaux. On met alors te jus et ta pulpe à fermenter dans un tonneau en leur ajoutant de la levure de vin et 200 gr de sucre par litre du mélange. Ce sucre est versé par fraction, pendant la fermentation ainsi que nous l'indiquons dans les Généralités sur les vins de fruits, auxquelles d'ailleurs il faut se reporter pour les soins à donner à ces vins pour chacune de ces deux méthodes.
Pour aromatiser le vin de cerises, on ajoute quelquefois à ce fruit une petite quantité de framboises, le 10 pour 100 au plus. On peut le parfumer aussi avec de la poudre d'iris à raison de 15 gr par 10 lit de vin.
Le vin de merises se fait de même.

Vin de prunes.

Le vin de prunes, contenant 9 à 10 pour 100 d'alcool et pouvant être consommé de suite après son éclaircissement, sera ainsi préparé:
Les prunes devront être bien mûres. Elles seront écrasées,
les noyaux restant intacts. Pour 10 kg de fruit, on ajoutera 3 lit d'eau. Après le malaxage, on dissoudra dans la masse 30 gr de bitartrate de potasse, 12 gr de plâtre pulvérisé et 1 kg de sucre. Le tout sera versé dans un tonneau à la température de 25° à 28°, en y ajoutant la levure de raisin. En n'employant pas de sucre', le titre alcoolique se trouvera à peu près de moitié plus faible.
Le vin de prunes titrant 16 pour 100 d'alcool environ est susceptible d'une longue conservation et d'une plus grande amélioration. Voici comment on le prépare:
Les prunes seront choisies de préférence sans excès de maturité. On les écrasera et on laissera la pulpe en repos dans un cuvier pendant trente-six heures. Puis on la malaxera de nouveau, on la passera sur un tamis grossier pour y retenir les noyaux et on la mettra en fermentation dans un tonneau avec de la levure de vin et les sels indiqués ci-dessus. Dans le cas où la pulpe serait trop pâteuse, on lui ajoutera la quantité d'eau à peine nécessaire pour lui donner un peu de fluidité.. Pour 10 lit de jus ainsi obtenu, on aura à y dissoudre 1kg,4 de sucre par fractions séparées, ainsi que nous l'indiquons dans les Généralités sur les vins de fruits auxquelles on doit se reporter pour les autres détails.

Vin d'abricots. Vin de pêches.

La préparation de ces vins est la même que celle du vin de prunes.

Vin d'oranges.

Les qualités rafraîchissantes de ce vin sont plus ou moins développées, selon le degré de maturité du fruit, et par suite selon son degré d'acidité. Cette acidité est surtout constituéepar l'acide citrique.
Pour obtenir environ 45 lit de ce vin à 18 pour 100 d'alcool, on enlève d'abord le zeste de trente-cinq oranges (partie jaune de l'écorce) au moyen d'un couteau dont la lame ne soit pas en fer. Le fer noircit le zeste et le liquide à obtenir. On fait macérer ce zeste dans 10 lit d'eau pendant quatre ou cinq jours. On exprime ensuite des oranges arrivant à peine à maturité pour en obtenir 20 lit de jus. Ce jus est mélangé aux 10 lit précédents qui auront été décantés et à 10 autres litres d'eau. Dans ce mélange mis en fermentation avec de la levure de vin, on verse successivement 12 kg de sucre. Cette fermentation se fait dans un récipient fermé où l'on ne pratique qu'une petite ouverture pour le passage du gaz carbonique. Elle dure environ vingt jours, si l'on a le soin de maintenir la température à 30°. Lorsque la fermentation est achevée, on remplit du vin obtenu un ou plusieurs grands flacons que l'on bouche bien, car ce vin craint le contact de l'air. Les flacons seront remplacés par des tonneaux préalablement soufrés, si l'opération est faite en grand. Le soufrage, est le remède aux moisissures qui peuvent se produire. Lorsque le vin s'est éclairci, on le décante, on le colle et on le met en bouteilles. Pour les autres détails, se re porter aux Généralités sur les vins de fruits.
Selon la nature des oranges, leur point de maturité et la qualité du vin que l'on désire obtenir, on augmentera ou l'on diminuera la quantité de zeste et la quantité d'eau, celle du sucre étant toujours en rapport avec le volume du liquide à faire fermenter. L'expérience seule peut indiquer les modifications heureuses que l'on peut apporter à la formulé précédente.
Le jus d'orange manque des sels utiles à la fermentation et à la composition normale du vin. Nous conseillons d'ajouter pour 1 hl de vin à mettre en fermentation:

Tartrate neutre d'ammoniaque  30gr
Phosphate bibasique d'ammoniaque  40
Phosphate bipotassique  40
Sulfate de chaux (plâtre)  100
Sel marin  30
Bitartrate de potasse  100

Si Je jus était très acide, il conviendrait de remplacer le bitartrate de potasse par 100gr de carbonate de potasse.

Vin de coings.

Ce qui caractérise le vin de coings, c'est l'intensité de son parfum. On peut l'employer à donner du bouquet à des vins de fruits qui en manqueraient.
Pour 10kg de fruit, on emploie 25 lit d'eau et 4 kg de sucre, 6 kg ou 8 kg, selon que l'on veut obtenir un vin à 9, à 12 ou à 16-17 pour 100 d'alcool.
Les coings seront choisis bien mûrs. On les divise en gros fragments et, après avoir enlevé les pépins, on les jette dans de l'eau bouillante que l'on vient de retirer du feu, de façon à les en couvrir. Lorsque le liquide est refroidi, on les écrase, on malaxe le tout et on le verse dans le tonneau pour le faire fermenter. On ajoute en même temps la levure de vin et la moitié du sucre qui sera dissous dans le complément des 25 lit d'eau. On peut y joindre les sels que nous venons d'indiquer pour le vin d'oranges, et dans les mêmes proportions pour 1 hl de vin à préparer. Le sixième jour de fermentation, on ajoute dans la cuve l'autre moitié de sucre dissous à l'avance dans quelques litres du vin en fermentation. On se reportera, pour les autres détails, aux
Généralités sur les vins de fruits.

Cidre ou pommé (vin de pommes).

Le cidre représente en France, après le vin, la boisson alcoolique la plus répandue. Sa production et sa consommation sont, année moyenne, de 12 millions d'hectolitres, Elle s'est élevée en 1893 à plus de 31 millions d'hectolitres. La destruction d'une partie des vignobles par le phylloxera a contribué à l'extension de la culture des pommiers et à améliorer la fabrication du cidre dans le sens de mieux assurer la conservation de ce liquide, de le rendre plus tonique et plus agréable au goût.
Les pommes les plus propres à la fabrication du cidre ne sont pas celles que l'on destine à la table et que l'on appelle pommes de couteau. Elles doivent avoir des qualités spéciales. Sur quelques centaines. de variétés de pommiers, on n'en cultive guère qu'une douzaine comme reconnus les plus aptes à cette fabrication. M.G. Rivière, professeur d'Agriculture et directeur du Laboratoire agronomique de la Mayenne ( RIVIÈRE et FONTAINE, La culture du pommier et la fabrication du cidre. Château-Gontier, chez H. Leclerc, libraire), dans un opuscule auquel nous faisons quelques emprunts, a très bien établi les principes sur lesquels sont basées la culture du pommier et la fabrication du cidre.
Les pommiers sont divisés en trois saisons, selon l'époque de la maturité de leurs fruits: août, septembre, octobre, novembre, décembre.
Les bonnes variétés de pommes contiennent 10 à 12 pour 100 de sucre. Au-dessous de ce chiffre, le cidre obtenu est trop pauvre en alcool, il se conserve difficilement, il est porté à s'acétifier et à prendre une dureté particulière bien connue des consommateurs.
Elles doivent renfermer une riche proportion de tannin, 4 gr à 5 gr par litre de jus; le tannin concourt, avec l'alcool, à la conservation du cidre.
Elles doivent être parfumées au moment de leur maturité, car ce parfum se communique au cidre et le rend beaucoup plus agréable.
Les variétés de pommiers à petits fruits sont préférables au point de vue du parfum, parce que c'est sous la peau du fruit que se trouve la partie la plus parfumée et la plus succulente, un petit fruit ayant, relativement à son poids, plus de surface qu'un gros fruit.
Ce sont les cidres de deuxième saison qui sont le plus re cherchés pour leurs qualités et que l'on met de préférence en bouteilles.
Les fruits de deuxième et troisième saison doivent être mis en petits tas sous des hangars où ils achèvent leur maturité et où on les remue de temps à autre jusqu'au moment de les employer.
Les pommes à cidre sont classées en trois catégories, selon le goût qui les caractérise. Les pommes à suc doux, à suc doux-amer et à suc acide.
Les pommes douces produisent un cidre agréable à boire pendant les premiers mois, mais il ne se conserve pas, ce qui est dû sans doute à son peu de richesse en tannin.
Les pommes amères-douces donnent un cidre de bonne conservation.
Les pommes acides donnent un cidre de qualité inférieure. Pour obtenir un cidre qui soit à la fois de bon goût et de bonne garde, on le prépare avec un tiers de fruits doux et deux tiers de fruits amers. Si l'on veut développer davantage son goût et l'obtenir plus doux, on mélange deux parties de fruits doux à une partie de fruits amers.
Le cidre doit être fabriqué dès que la pomme est arrivée à sa maturité, ce que l'on reconnaît à l'odeur éthérée et parfumée qui se dégage du fruit. Il est toujours désavantageux d'employer les fruits trop verts ou trop mûrs.
Les pommes vertes renferment 4 à 5 pour 100 de sucre;
Les pommes mûres 11
Les pommes blettes 7
Le cidre pur est celui que l'on obtient sans addition d'eau. Pour obtenir un cidre de bonne qualité et susceptible de pouvoir se conserver, il ne faut pas ajouter de l'eau pendant sa préparation. Le bon cidre se conserve très bien pendant deux à trois ans.
Celui qui est employé pour la consommation journalière est le plus souvent allongé de moitié d'eau; aussi est-il exposé à s'altérer en peu de temps. Il serait préférable de renoncer à ce mouillage et de faire ensuite du petit cidre avec le marc pressé.

Concassage.- Au lieu de réduire les pommes en bouillie au moyen d'une meule, il vaut mieux les concasser par petits morceaux. Parmi les concasseurs les plus employés, nous indiquerons le broyeur Simon (fig. 52 et 53).

Fig. 52

Broyeur pour pommes.

D'après cette dernière figure, on voit qu'il se compose d'un seul arbre muni d'un cylindre armé de palettes mobiles en­trant et sortant du cylindre pendant la rotation. Ces palettes entraînent les fruits et les obligent à suivre le mouvement du cylindre pour être broyés contre une plaque munie de rainures appelée dossier. Ce dossier est articulé et maintenu a l'écartement voulu du cylindre par une vis qui règle le degré de broyage.
Ce broyeur, au lieu d'être mis en mouvement par un ou plusieurs hommes, peut être actionné par un manège.

Fig.53.

Coupe du même broyeur pour pommes.

La fig. 54 montre la disposition d'un manège avec arbre incliné à genouillère, ce qui supprime les courroies et les chaînes.

Fig.54.

Broyeur Simon monté sur pieds, avec manège à 1 cheval.

Un autre genre de broyeur, .très usité également, est celui que montre la fig. 55. Il est essentiellement composé de deux noix en fonte parfaitement ajustées, et dont les dents s'engagent les unes dans les autres. Le mouvement est sans engre­nages ou avec engrenages.
Ces deux systèmes de broyeur peuvent traiter de 6 hl à 40 hl( de pommes à l'heure, selon la force motrice dont ils sont susceptibles.
La pomme étant réduite en pulpe, on laisse macérer celle-ci pendant douze à quinze heures, jusqu’à ce qu’il se produise un commencement de fermentation, et on la remue de temps à autre, afin d'exposer à l'air les différentes couches. La pulpe ainsi aérée fermente mieux, se colore et communique sa couleur au cidre; de plus, elle se trouve dans de meilleures conditions pour le pressurage.

Fig.55.

Broyeur Lacroix. de Caen.

Pressurage. La pomme à cidre renferme en moyenne sur 1000 parties de jus:

Eau  800
Sucre 173 
Tannin 5
Mucilage 12
Acides libres (par rapport à l'acide sulfurique S04 H2 )  1,07
Albumine  5
Sels divers  1,75
Substances diverses 2, 18

Plus la pression à laquelle la pulpe est ensuite soumise pour en extraire le jus est considérable, et plus le jus est sucré et parfumé.
Les anciens pressoirs ne donnaient qu'un faible rendement; avec les nouveaux appareils de pression, on obtient de 60 à 70 pour 100 de jus du poids des fruits, c'est-à-dire le double.
Les pressoirs que nous avons décrits pour le vin dans le Chapitre VI peuvent également servir pour le cidre.

Fig. 56.

Pressoir à cidre.

Lorsqu'ils ne sont pas munis d'une cage, le marc est placé sur la maie par couches de 10 cm à 12 cm d'épaisseur, séparées par des toiles de chanvre ou de crin, des claies en osier, des panneaux en bois mince, ou simplement de la paille (fig. 56). L'emploi de la cage ou claie circulaire (fig. 57) dans laquelle le marc peut être jeté à la pelle, permet d'aller beaucoup plus vite. Il est ce pendant préférable de diviser le marc par couches comme dans la forme carrée. La pression doit se faire lentement, afin Je laisser au cidre le temps de s'écouler.
Lorsque l'on a des ,quantités de pommes un peu considérables à traiter, l'emploi des presses continues permet d'agir en moins de temps et avec moins de difficulté qu'avec les appareils précédents, parce qu'elles suppriment la majeure partie de la main-d'œuvre

Fig. 57

Pressoir du Crédit agricole

La presse continue Simon, dont la fig. 58 donne la coupe,
comporte deux parties principales: 1° Le rouleau compresseur A pourvu de deux joues B formant filtre et permettant l'écoulement des liquides; 2° la chaîne sans fin C entraînée par la roue dentée D. Cette chaîne sans fin glisse dans un coursier E excentré par rapport à l'axe du rouleau.
Cette combinaison de la chaîne sans fin et du rouleau forme, ainsi que l'indique la figure, un coin très allongé qui permet la compression progressive de la matière à sécher. La chaîne métallique C est enveloppée ,par une courroie sans fin.
Les différentes flèches font voir le chemin suivi par la matière comprimée qui, versée dans la trémie, suit le chemin J, sort en K et vient tomber dans le conduit L.
Avec cet appareil,le rendement du jus en poids en première pression varie de 65 à 70 pour 100, selon la nature des pommes. En repassant les marcs une ou deux fois, ce rendement peut s'élever à 80 pour 100.
Nous avons dit que les cidres de qualité et de bonne conservation s'obtiennent sans addition d'eau, mais que l'on prépare quelquefois du cidre pour la consommation journalière pouvant contenir jusqu'à moitié d'eau. Dans ce dernier cas, après la première pression, on repasse le marc au broyeur, on le met macérer dans des cuves pendant douze à quinze heures, et on lui ajoute de l'eau pouvant s'élever jusqu'à 25 1it à 30 lit par hectolitre de pommes employées.

Fig.58.

Presse continue Simon.

On mélange ensuite le liquide que l'on obtient par la seconde pression de ce marc avec celui de la première pression.
Une autre méthode de confection du cidre consiste à broyer les pommes et à mettre la pulpe en macération, comme nous l'avons indiqué pour le cidre pur. Puis on remplit de cette pulpe des vases dans lesquels on extrait le jus par diffusion. Le traitement est le même que celui que nous avons expliqué précédemment pour obtenir la piquette de vin par le lavage des marcs. (Voir p. 222 et 223).
L'eau à ajouter au cidre, soit par cette méthode, soit par la précédente, doit être pure et de bonne qualité.
Que le jus soit pur ou additionné d'eau, des qu'il sort du pressoir, on le verse dans des tonneaux où on laisse un vide de 10 cm, à cause du gonflement pendant la fermentation.

Fermentation. Emploi des levures pures de cidre.
La fermentation doit se faire à la température de 12° à 15°. Elle s'opère donc lentement et dure plusieurs semaines.
Les ferments alcooliques ou levures de la pomme se trouvent à la surface de la peau du fruit, sur laquelle se trouvent aussi de nombreuses moisissures et bactéries qui sont souvent un obstacle à une bonne fermentation. Aussi, il arrive que celle-ci est interminable, surtout lorsque le ferment naturel manque de vigueur. Il reste alors dans le cidre un excès de sucre, le liquide ne s'éclaircit pas et s'altère facilement.
M. Jacquemin cultive les bonnes levures de cidre et obtient par leur emploi des fermentations beaucoup mieux réussies. Voici comment il en recommande l'emploi (JACQUEMIN (Georges), Étude des perfectionnements apportés dans la culture et l'emploi des levures. 1893; Nancy, Imprimerie Nancéienne) :
Il est bon de commencer par laver les pommes à grande eau pour enlever les ferments ordinaires.
Puis, opérant comme pour les levures de vin, on verse la levure sans aucun retard sur les pommes à mesure qu'elle s sont écrasées, afin que ce soit le ferment pur qui, trouvant le champ encore inoccupé, puisse évoluer et faire fermenter la masse.
Dans ces conditions, 1 lit de levure peut suffire à 3 hl ou 5 hl de cidre. Mais il vaut mieux opérer de la façon suivante, qui consiste à préparer un levain ou pied de cuve.
On prépare, avec des pommes soigneusement brossées et lavées à l'eau pure, une certaine quantité de jus, qu'on intro duit dans un fût bien propre. Cette opération doit se faire rapidement, avec des ustensiles parfaitement nettoyés. Pour chaque litre de levure pure, on ajoute 20 lit de jus de pommes dans le fût.
La fermentation du levain s'établit en peu de temps sous l'influence de la levure pure. La température doit être de 25°. On attend trente à quarante heures, puis on se sert de ce levain pour mettre le cidre en fermentation, en ayant soin de l'employer sans le moindre retard, avant que les ferments naturels aux pommes aient pu commencer leur action.
Dans ces conditions, 1 lit de levure pure suffira à améliorer 5 hl à 12 hl de cidre. Mais il est bien évident que l'amélioration est d'autant plus grande, dans une certaine mesure, qu'on aura employé davantage de levure pure; aussi pourra-t-on préférer, dans certains cas, se servir de 1 lit de levure pure pour 4 hl à 6 hl seulement.
Il faut avoir soin, autant que possible, d'opérer les fermentations à la température de prédilection de la levure, qui est de 19 à 20°. Au-dessous de 15°, la levure perdrait un peu de son activité et il faudrait en employer plus que si l'on s'astreint à maintenir une bonne température qui ne doit pas être inférieure à 17°. Il est bien entendu que c'est seulement pendant la durée de la fermentation tumultueuse qu'il est nécessaire de maintenir cette température dans le cellier où se passe la fermentation ( Dans une nouvelle brochure: Emploi rationnel des levures pures sélectionnées pour l'amélioration des boissons alcooliques (vin, cidre etc.), 1894 (Nancy, Imprimerie Nancéienne), M. Georges Jacquemin donne des détails plus complets encore sur la fermentation du cidre par les levures pures.).

Soutirage. - Le cidre est soutiré cinq à six semaines après sa mise en fermentation. Le liquide se trouve alors entre deux lies et le soutirage se fait le plus souvent au moyen d'un siphon. Les lies sont réunies dans un fût où elles s'éclaircissent. Elles peuvent être filtrées comme celles du vin.

Collage. - Après le soutirage, le cidre est immédiatement collé. Comme ce liquide renferme une grande proportion de matières albumine uses qui restent en suspension et le troublent, il est inutile de le coller à la colle animale. Il suffit d'y ajouter du tannin qui, se combinant à ces matières et les rendant plus denses, les entraîne dans la lie et éclaircit de cette façon le cidre. On dissout dans 1 lit de cidre 25 gr à 30 gr de cachou pulvérisé pour coller ainsi 1 hl dans lequel on mélange intimement la solution. Pour un fût de 6 hl, on dissoudra 150 gr de cachou dans 6 1it. On fait ensuite le plein du fût, on recouvre la bonde avec une planchette et on laisse s'achever la fermentation lente.
Lorsque celle-ci est terminée, la densité du cidre est alors d'environ 1,022 ou de 3° Baumé. On fait le plein du fût, on laisse un vide de quelques centimètres et l'on bouche.
Le second soutirage ne se pratique qu'au moment de la livraison ou de la consommation.
On peut commencer à boire le cidre dès le cinquième mois de sa confection. L'habitude de tirer de la pièce au fur et à mesure de la consommation offre un grand inconvénient lorsque la pièce doit rester quelque temps en vidange. Le cidre se trouve alors en contact avec l'air introduit dans le fût, il devient dur et s'aigrit. En versant par la bonde une petite quantité d'huile d'olive de bonne qualité, celle-ci recouvre la surface du liquide et le préserve de l'action de l'air.
Lorsque la fermentation du cidre pur est achevée et que sa clarification est complète, le meilleur moyen de le conserver et de l'améliorer sera de le mettre en bouteilles.
Le cidre convient surtout aux personnes qui mènent une vie sédentaire. C'est une boisson rafraîchissante et hygiénique pendant les chaleurs de l'été, qui est en même temps un préservatif de la goutte.

Noircissement du cidre. - Il arrive parfois que le cidre noircit lorsqu'on en remplit une bouteille. On corrige ce dé­faut en ajoutant 30 gr à 50 gr d'acide tartrique par hectolitre.

Sucrage. - Ce que nous avons dit à propos du sucrage de la vendange à droits réduits s'applique au sucrage du cidre. Par l'art 7 du règlement administratif, nous avons vu, à la page 181, que l'on peut ajouter 10 kg à 15 kg de sucre par 5hl de pommes.
Dans les années humides, les fruits renferment peu de sucre. Le cidre étant alors pauvre en alcool éprouve de grandes difficultés à s'éclaircir, et, en restant trouble, il est très sujet à s'acétifier de bonne heure. Le meilleur remède est le sucrage au moment de la mise en macération.
Pour élever de 1 pour 100 la richesse alcoolique d’un cidre, il faut ajouter à 1 hl de jus 1kg,7 de sucre. On peut très bien employer ainsi jusqu'à 6kg de sucre par hectolitre de jus. Le sucrage demande que la fermentation se fasse à une température un peu plus élevée, soit 20°. Il est, de plus, nécessaire que le sucre soit interverti par la chaleur et un acide; on se reportera à ce sujet à ce que nous avons dit sur l'interversion du sucre. Si l'on ne suivait pas ces prescriptions, il est probable que la fermentation ne serait pas suffisamment complète. Un apport de levures cultivées du cidre est très utile aux cidres qui ont été sucrés.

Petit cidre.

Malgré une pression énergique, le marc qui a été traité sans eau renferme encore 10 à 15 pour 100 de jus du poids des fruits. Pour obtenir ce jus, on remet le marc qui a été pressé dans une cuve, où on le brasse de temps en temps après l'avoir humecté d'eau très propre. Il ne faut pas employer plus de 25lit d'eau par hectolitre de marc du premier cidre. Si l'on désirait dépasser cette quantité, il conviendrait d'ajouter 80gr de sucre par litre d'eau supplémentaire.
Après le brassage dans la cuve, on repasse le marc au broyeur et on le met à macérer douze ou quinze heures. On presse de nouveau, et le jus mis à fermenter représente le petit cidre.
Si l'on ajoute du sucre, on suivra les indications que nous venons de donner pour le sucrage du cidre.
A moins d'une consommation immédiate, cette boisson ne doit pas être mélangée au premier Cidre. On altérerait dans ce cas les qualités de conservation de ce dernier.

Cidre de ménage.

Les fruits sont écrasés, cuvés et portés sous presse comme pour le cidre ordinaire. On recueille le jus. Le marc est re­passé au broyeur et mis dans une cuve avec une quantité d'eau égale au volume du premier jus. On laisse macérer douze à quinze heures en pelletant de temps à autre. On presse de nouveau. Le marc est démonté, et l'on répète la même opération que précédemment en ajoutant la même quantité d'eau. On exprime une troisième fois. Tout le liquide obtenu est mis à fermenter dans des tonneaux et on le soutire dès la fin de la fermentation tumultueuse, pas plus tard. Deux mois après, le cidre est prêt à boire. Pendant ce temps, on le colle au cachou comme le cidre ordinaire.
Cette boisson ne se conserve pas, elle s'aigrit facilement avec les chaleurs. On l'améliore beaucoup et elle se conserve plus longtemps en lui ajoutant, avant la fermentation, pour chaque litre d'eau, 50gr de sucre. Ce sucrage est fait selon les indications précédentes.

Poiré (vin de poires). - Petit poiré. - Poiré de ménage.

Le jus de la poire donne par fermentation le poiré. Cette boisson, par rapport au cidre, est moins nourrissante, plus excitante et produit une ivresse plus dangereuse. Elle présente la même odeur vineuse que le vin blanc dont elle a la couleur; aussi, lorsqu'on ajoute au poiré de la levure cultivée afin de mieux régulariser sa fermentation, choisit-on de préférence une levure sélectionnée de vin ,blanc, que l'on emploie comme celles pour le cidre.
On mélange quelquefois une certaine quantité de poires aux pommes destinées à la fabrication du cidre dont elles relèvent alors la qualité.
Les poires, dans la fabrication du poiré, subissent le même traitement que les pommes pour le cidre. La fabrication du poiré, du petit poiré et du poiré de ménage est la même que celle du cidre, du petit cidre et du cidre de ménage, il est donc inutile que nous nous répétions à ce sujet.

Boisson de fruits sauvages.

Les poires et pommes sauvages, les prunelles, les cormes, les cornouilles peuvent servir à la préparation d'une boisson économique, soit séparément, soit mélangées ensemble ou à d'autres fruits.
On corrige l'âpreté de ces fruits en les soumettant d'abord à la cuisson dans la quantité d'eau nécessaire pour les submerger. On les écrase ensuite, on les brasse dans l'eau de cuisson, on exprime le marc et l'on fait fermenter le jus obtenu dans un tonneau en ajoutant de la levure de vin. Pour celle-ci et pour les autres détails, on se reportera aux Généralités sur les vins de fruits.
Ces sortes de boissons provenant de, fruits peu sucrés sont nécessairement pauvres en alcool. On peut leur ajouter, au moment de la mise en fermentation, 100gr de raisins secs de Corinthe, ou 50gr de sucre, par litre d'eau employé, ce qui est suffisant pour élever leur titre alcoolique à 4°.

Boissons de fruits secs.

Avec les pommes tapées, les poires tapées, les pruneaux, les figues sèches et les dattes, on obtient des boissons alcooliques qui sont à la fois de bon goût et économiques.
Les fruits sont divisés en fragments et mis en digestion dans de l'eau chaude, à raison de 2lit de celle-ci pour 1kg de fruits. Si ces fruits tendent à surnager, on les refoulera dans le liquide au moyen d'une claie ou d'une planchette maintenue d'une façon fixe. Au bout d'un à deux jours, lorsqu'ils se seront gonflés, on les écrasera soit avec un concasseur mécanique, soit avec un pilon ou un fouloir. On malaxera la pâte, on lui ajoutera de la levure de vin et on la laissera en macération jusqu'à ce qu'il se manifeste un commencement de fermentation. On la pressera alors et l'on recueillera le jus.
Le marc est ensuite émietté et malaxé de nouveau avec une quantité d'eau chaude moindre qu'à l'opération précédente. On le laisse en macération pendant quelques heures et on le presse de nouveau.
Les deux jus sont réunis et mis à fermenter. Pour les autres , détails, voir les
Généralités sur les vins de fruits.
On peut donner à ces vins de fruits secs une belle couleur rouge en leur ajoutant 300gr à 400gr de roses trémières desséchées, par hectolitre, avant la fermentation, ou 15 pour 100 de baies de sureau.
Les vins de figues et de dattes donneront une fermentation plus complète et seront de meilleure qualité si on leur ajoute, avec la levure, les sels que nous avons indiqués pour le vin d'oranges.

Vin de raisins secs.

La production des vins de raisins secs s'élevait en France, en 1890, à 4293000hl. Elle est tombée en I892, à 1055000h1 et en 1893, à 326520hl. Cette diminution sensible est autant la conséquence des lois fiscales qui frappent actuellement la production industrielle de ces vins, que de la loi du 15 août 1887 (voir: loi Griffe dans le Chapitre XI) qui ne permet la circulation et la vente de ces vins que sous le nom de vins de raisins secs.
En fait, ces vins ne sont plus guère produits aujourd'hui que dans l'intérieur des familles, où ils sont exempts des droits de consommation. Mais, dans ces conditions mêmes, les raisins secs restent frappés de droits de douane et, dans beaucoup de villes, de droits d'octroi, qui élèvent le prix de revient de ce vin, titrant 10 pour 100 d'alcool, depuis 20fr jusqu'à 30fr l'hectolitre.
Pour préparer ce vin, on prend du raisin de Corinthe, et on le verse dans une cuve avec de l'eau tiède, à raison de 3lit d'eau pour 1kg de raisins. On dispose dans le liquide une claie pour empêcher que le marc ne vienne surnager à la surface pendant la fermentation. La température doit être au début de 15° environ et l'on doit prendre les précautions nécessaires pour qu'elle se maintienne au moins à ce chiffre. D'ailleurs, à partir de ce moment, toutes les indications que nous avons données sur la confection du vin ordinaire s'appliquent à celle du vin de raisins secs.
Le marc étant pressé peut donner, après l'avoir additionné d'une quantité d'eau égale au tiers de celle employée au premier vin et l'avoir laissé macérer ainsi pendant deux ou trois jours, une piquette de vin de raisins secs dont il convient de faire profit.
Si le raisin sec est à gros grains, l'épaisseur de la peau exige que le traitement soit différent sur quelques points. On prépare d'abord, six jours à l'avance, un levain avec le dixième des raisins à traiter et avec les soins que nous avons indiqués dans les Généralités. Le restant des raisins sera traité, le sixième jour, par trois fois leur poids d'eau bouillante dans un vase en bois que l'on recouvre ensuite pour que la chaleur ne se perde que 'lentement. Un ou deux jours après, les raisins se seront gonflés et on les écrasera soit avec les pieds, soit en les faisant passer dans un concasseur. On les mettra ensuite en fermentation à 25°-30° en le mélangeant avec le levain qui aura alors fermenté.

Hydromel (vin de miel).

Le miel renferme de 75 à 80 pour 100 de sucre à l'état de glucose. Mais, semblable à du sucre pur, il n'apporte pas avec lui les matières azotées et les sels minéraux, c'est-à-dire les aliments qui sont nécessaires au développement des ferments alcooliques et au maintien de leur activité. Aussi l'hydromel que l'on obtient par la fermentation alcoolique du miel n'est pas un vin bien constitué, comme celui provenant du suc des fruits. Sa fermentation est toujours incomplète, son goût est trop doucereux, sa saveur et son acidité ne sont pas suffisamment prononcés, et si on le distille, il ne donne qu'un faible rendement en alcool par rapport à la richesse saccharine du liquide avant sa fermentation.
Il s'ensuit, pour que l'hydromel puisse constituer une boisson complète et bien fermentée, qu'il convient d'ajouter à la dissolution de miel que l'on met en fermentation les substances nécessaires au développement et à la vie des ferments, ainsi qu'à la bonne constitution de ce vin.

Pour obtenir 1 hl d'hydromel à 10 pour 100 d'alcool, on procède ainsi:
Dans 85lit d'eau tiède, on dissoudra 13kg de miel et 765gr des sels suivants qui auront été pulvérisés:

Phosphate bipotassique 

40gr
Phosphate bibasique d'ammoniaque  40
Tartrate neutre d'ammoniaque  120

Acide tartrique 

270
Carbonate de potasse 160
Sulfate de chaux (plâtre) 70

Alun de potasse 

 20
Magnésie 15

Sulfate de fer 

 5
Sel marin

25   

765gr

Ces sels représentent une dépense supplémentaire de 3fr au plus pour 1h1 d'hydromel. On les trouve dans les grandes maisons de produits chimiques; à Paris, chez MM. Poulenc frères, par exemple.
Le mélange sera mis en fermentation dans un tonneau, à la température de 25° environ, en y versant de la levure pure de vin ou un levain de raisins préparé comme nous l'avons indiqué dans les Généralités sur les vins de fruits.
Après la fermentation, on donnera à l'hydromel les mêmes soins que ceux donnés aux autres vins. Cette boisson sera soutirée dans un tonneau que l'on maintiendra plein pendant la durée de la fermentation insensible. Puis on la soutirera de nouveau, on lui ajoutera par hectolitre 40gr de cachou pulvérisé, dissous préalablement dans 1lit de ce liquide, et on la collera à la colle de poisson.

Vins de fruits de liqueur.

Les vins de fruits de liqueur sont obtenus par divers procédés. Tantôt le fruit est soumis à une cuisson, ce qui enlève au vin une partie de son parfum et de sa fraîcheur de goût; tantôt il est ou il n'est pas soumis à la fermentation; mais, dans tous les cas, il est additionné d'alcool et de sucre.
Le procédé que nous croyons le plus recommandable est celui où l'alcool est produit directement dans te vin, par fermentation, en quantité aussi considérable qu'il est nécessaire, c'est-à-dire jusqu'à 16 ou 18 pour 100. Au point de vue des qualités de vinosité à demander à des vins véritables, et au point de vue hygiénique, l'alcoolisation ainsi produite est bien préférable à une addition d'esprit-de-vin. Nous nous sommes déjà expliqué sur ce point, dans le Chapitre X, à propos des effets de sucrage sur les vins. Les vins de fruits ainsi obtenus possèdent au mieux possible la saveur franche, le parfum et le bon goût du fruit dont ils sont originaires.
Nous avons montré précédemment, pour chacun des vins de fruits, la manière dont on devait les traiter et les faire fermenter pour élever leur titre alcoolique à 16° ou 18°, Nous avons produit ainsi des vins secs, c'est-à-dire des vins où tout le sucre a été transformé en alcool. Les vins de fruits de liqueur ne diffèrent de ceux-ci qu'en ce qu'ils conservent après leur fermentation une quantité de sucre plus ou moins considérable qui en fait des vins plus ou moins doux. Ils sont pour ce motif plus lents à se dépouiller, à s'éclaircir, que les vins secs.
A l'exception des oranges, tous les fruits destinés à faire des vins de liqueur doivent atteindre toute la maturité que permet le climat. Ils ne sont que plus parfumés.
Leur fermentation se fait exactement comme celle que nous avons indiquée pour les vins de fruits, à 16 ou 18 pour 100 d'alcool. Lorsque cette fermentation est achevée, on les additionne d'une certaine quantité de sucre.
Aux vins de framboises, de groseilles, de groseilles mélangées de framboises, de coings et d'oranges, on ajoute après leur fermentation 150gr de sucre par litre. Cette dose pourra s'élever à 180gr si le fruit est très acide.
Aux vins de fraises, de cassis, de mûres, de cerises, de prunes, de pêches et d'abricots, la quantité de sucre à ajouter sera de l00gr par litre, pouvant s'élever à 150gr si le fruit manquait de maturité.
Voici comment on ajoutera ce sucre. Lorsque le vin en fermentation à la température de 30° environ ne produira plus de dégagement gazeux, et qu'il aura tendance à se refroidir et à s'éclaircir, on en soutirera le quart ou le cinquième dans lequel on dissoudra le sucre cristallisé. Ce sirop à froid, ainsi préparé, sera joint au restant du vin avec lequel on devra le mélanger intimement.
Quelques jours après, le vin sera soutiré et les lies seront filtrées. On procédera plus tard, lorsque la fermentation insensible sera achevée, à un second soutirage.
On parfume quelquefois les vins qui manquent de bouquet avec diverses substances, On prépare, par exemple, de la tein­ture d'iris ou des infusions alcooliques de framboises, de fraises, de brou de noix, etc., et l'on en ajoute au vin 1 à 2 centilitres par litre,
La teinture d'iris s'obtient en mettant en digestion 125gr de poudre d'iris de Florence dans 1 lit d'alcool à 85°-90°. On fait macérer quinze jours et l'on filtre .
L'infusion de framboises, de fraises et autres fruits très parfumés se fait, dans les proportions de 1kg de fruits très mûrs et de 1lit d'alcool. La macération durera quinze jours. On passe avec expression et l'on filtre.
L'infusion de brou de noix se prépare avec le brou que l'on détache de 1kg de noix morveuses, que l'on pile avec soin, qu'on laisse ensuite noircir à l'air pendant vingt-quatre heures et que l'on fait macérer dans 1 lit,25 d'alcool pendant deux mois. On passe avec expression et l'on filtre.
L'infusion de fruits de cassis exige les proportions suivantes:
On fait macérer pendant quinze jours 3kg de cassis mûr et égrené' dans 3lit d'alcool. On soutire 1 lit de première infusion que l'on filtre. On verse sur le résidu 1lit d'alcool, et l'on agile. Après quinze jours de macération, on soutire 1 lit de deuxième infusion que l'on filtre. On répète la même opération pour obtenir tout le liquide qui est de troisième infusion, et que l'on filtre. Le résidu pressé fournit une quatrième infusion, très chargée en couleur, que l'on filtre et que l'on conserve à part On a ainsi quatre infusions de valeur différente que l'on peut employer à part ou en mélange pour modifier, s'il y avait lieu, les qualités du vin de cassis.
L'infusion d'orange peut servir à être ajoutée dans les proportions que l'on croit les plus convenables dans le vin d'oranges que l'on aurait préparé sans employer de zeste. On prend 500gr de zeste frais d'orange que l'on fait macérer pendant huit jours dans 1 lit d'alcool. On filtre ensuite.

 

Accueil ] Remonter ]

©

Les textes et images de ces pages sont soumis aux lois belges et internationales en matières de droits d'auteur et de Copyright..
L'utilisation à fins privées est autorisée. Tout autre usage, particulièrement à fins commerciales  est soumis à une autorisation préalable octroyée par CEPvdqa asbl.