Communiqué du 9 septembre 2016
Première évaluation de l’année 2016 dans nos
vignobles, le cas du vignoble ucclois*
La
vigne est soumise aux aléas climatiques, ce qui fait à la fois le charme
et la difficulté du travail du vigneron. Le travail annuel est le même
pour des résultats qui vont du simple au triple ! L’année 2016 est une
année difficile, marquée d’épisodes difficiles, gel, pluie, maladies,
mais qui semble bien se terminer grâce aux beau temps des dernières
semaines.
2015 a été une année où il a peu plu. La
faible humidité a limité les maladies des vignes et par conséquence les
traitements. Ici, à Uccle, avec les cépages interspécifiques un seul
traitement a suffi.
2016 est une année où les « malheurs» se
sont succédés : le gel de printemps, le temps pluvieux et les maladies,
et dans mon vignoble ucclois, le renard….
Le
gel de printemps
Le matin du 28 avril la température de
l’air est tombée sous les -5°C, entraînant une brûlure par le gel et la
mort des bourgeons les plus développés, la première gelée dans le
nouveau vignoble. Sur certaines vignes (les plus jeunes et celles
taillées en Guyot (long bois de l’année précédente), 80% des bourgeons
ont été détruits, des bourgeons de la base du sarment ou sur le vieux
bois ont parfois mieux résisté.
Les
gelées du 28 avril ont fait des dégâts dans de nombreux autres
vignobles :
De nombreux vignobles wallons ont
souffert de ces gelées du 28 avril alors que les vignobles flamands, à
de rares exceptions près, ont été épargnés.
Selon
leur situation plus ou moins protégée, des vignobles ont été gelés en
tout ou partie, les plateaux brabançon et hesbignon, au nord de l’axe
Sambre et Meuse, ont été particulièrement concernés, des vignobles à
Genval, La Hulpe, Temploux, Emines, Haulchain, Seilles,
Jemeppe-sur-Sambre, etc. ont été brûlés, parfois totalement. Certains
vignobles de la vallée de la Meuse, comme celui de Moustier avaient pris
des mesures de protection préventives, ayant déjà connu les gelées de
2014. Cependant peu de vignobles de la vallée mosane, situés à proximité
du fleuve ont subi des dégâts alors que ceux plus haut sur les plateaux
et coteaux ont parfois souffert.
Une telle gelée tardive ne s’était plus
produite depuis 1993 à Uccle ! Les bourgeons qui repoussent après les
gelées ne portent pas toujours des fruits, ce qui explique le peu de
grappes par pied. Sur d’autres pieds la situation est plus compliquée
car il y a des grappes provenant de bourgeons qui ont résisté au gel et
d’autres qui sont portées par des repousses. Il y a deux maturités
différentes sur le même pied.
La
floraison et la coulure
Le temps des mois de mai, juin et juillet
a été marqué par de nombreux épisodes pluvieux.
Mi-juin, un peu de beau temps, les
floraisons débutent, le Rondo est toujours le premier...
La floraison est étalée du fait que des
grappes viennent de sarments qui ont résisté aux gelées et d’autres qui
ne se sont développés qu’après celle-ci. Elle se poursuit jusqu’aux
premiers jours de juillet. L’année ne risque pas d’être précoce et la
vendange compliquée par des décalages de maturité sur le même pied : il
faudra bien observer quelles grappes couper et quelles autres laisser
encore mûrir …
La vigne est une plante dont les fleurs
sont fécondées par le vent, les insectes et abeilles n’interviennent
pas. Les grains de pollen sont très légers (contrairement à ceux des
fleurs à nectar que visitent les insectes) et la pluie entraine toute la
poussière de pollen au sol de sorte qu’il n’atteint jamais son objectif…
La vigne est aussi une plante dont les
grains sont fécondés par leur propre pollen, il ne faut pas, comme pour
les poiriers, qu’une autre variété fournisse le pollen via les insectes.
Cette année, certaines variétés, celles qui ont fleuri lors des épisodes
les pluvieux ont fortement souffert de coulure (mauvaise fécondation),
et de millerandage (ce dernier est une conséquence d’une fécondation
partielle : certains grains de la grappe restent verts alors que les
autres mûrissent.)
Un
printemps et début d’été humide, favorable au développement de maladies
La pression des maladies a battu tous les
records en 2016 : des vignes habituellement résistantes à cette maladie
ont souffert du mildiou, pratiquement aucune variété n’y a échappé. Nous
sommes restés dans notre schéma bio et avons limité nos pulvérisations à
deux utilisations du soufre et du cuivre (3 sur le Traminette et les
vignes de collection plus fragiles). Une maladie oubliée a refait
surface, le Black Rot qui provoque des taches brunes sur
les feuilles et la pourriture des raisins.
Les traitements et pulvérisations
Des taches de mildiou apparaissent vers
le 10 juillet sur les cépages plus sensibles, les vinifera et le
Traminette. Un premier traitement à l’oxychlorure de cuivre (plus doux
pour les abeilles que la bouillie bordelaise) combiné à du soufre
mouillage est réalisé le 14 juillet.
Un second traitement limité aux cépages
sensibles est répété les 25 juillet et un dernier le 5 août.
Le
renard découvre la vigne …
Le renard aime les raisins et une famille
en a mangé plus de 70 kg en 2014. Cette famille a heureusement disparu
en 2015, mais un autre renard s’est rendu compte de la présence de
raisins mûrs en fin de vendange, heureusement, la prédation a été
tardive et donc faible. Mais cette année 2016, le renard a visité les
vignes dès la fin août pour y prélever quelques grains. Pour le tenir
éloigné des grappes, une clôture électrique de trois fils électriques
vient d’être placée. Le but est de le tenir à distance des grappes. Son
efficacité semble bonne, le renard n’a plus soulevé le filet pour aller
goûter aux raisins, mais goupil est malin et trouvera peut-être une
parade si l’attrait de la baie sucrée est le plus fort. Le système devra
être évalué en fin de saison…
Vendanges
Elles ont débuté mi-septembre pour les
cépages les plus précoces, Rondo et Solaris, le Léon Millot était mûr
pour la macération carbonique le 25. Les vendanges se poursuiveront
jusque fin octobre pour le cépage le plus tardif, le Traminette. Les
belles journées ensoleillées de la fin du mois d’août et de la
première quinzaine de septembre permettront de belles maturités pour les
grappes qui ont survécus à tous les aléas climatiques de l’année…
Le
comportement des différents cépages et leur repousse fertiles après
gelées
Quarante cépages différents sont cultivés
au vignoble d’Uccle. Une ligne de Rondo, en bordure de la zone boisée,
n’a pas gelé et a produit normalement. Tout le reste a souffert du gel.
Le vignoble étant majoritairement taillé en Royat, les repousses
fertiles sur vieux bois sont plus nombreuses. Et pourtant, les raisins
blancs ont peu repoussé à fruit. Le Phoenix et le Traminette ont une
demi production, alors que Bianca, Sirius, Muscaris, Johanniter,
Zalagyongie, Birstales Muskaat, Valvin Muscat et Muscaris ont donné une
faible production après avoir été attaqués par les maladies. Une
exception, de jeunes vignes de trois ans de Souvignier gris présentent
de nombreuses grappes. Les rouges s’en tirent mieux, Baco noir, Léon
Millot, Regent et Rondo ont produit à 50% de ce qu’ils donnent
habituellement alors que le Nero n’a produit que deux petites grappes
sur 4 plants…
Il serait intéressant que d’autres
vignerons ayant subi des gelées fassent part de leur expérience car cela
permet d’évaluer la capacité de fertilité des cépages après gelées
tardives.
*
Le vignoble ucclois est un des plus anciens vignobles belges. Planté en
1989, il a « déménagé » en 2007-2009. Planté initialement de cépages
« luxembourgeois », de pinots noirs précoces et de quelques hybrides,
son encépagement a fortement changé pour ne comporter aujourd’hui que
des cépages interspécifiques qui sont l’avenir d’une viticulture
respectueuse de l’environnement.
De grands vignobles comme celui du Chenoy (Philippe Grafé), du
Château de BIOUL (Vanessa Wyckmans),
ou vins de Liège s’inscrivent dans cette viticulture durable. De
nombreux vignobles associatifs ou communaux du Brabant
(Villers-la-Vigne, Genval, La Hulpe) ont fait le même choix.
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